5 Warren Avenue
Tarrytown, New York
27 mai 2021
Une lettre de remerciement au Père Gailhac – lettre 1
Mon cher et Vénéré Père,
Je voudrais vous raconter comment j’ai finalement appris à vous connaître.
Mon premier souvenir de vous remonte à l’époque où j’avais treize ans quand je suis arrivée à Tarrytown en tant que nouvelle venue à l’Académie. Votre photo – celle d’un jeune prêtre français d’une quarantaine d’années – semblait être accrochée partout ! Nous lisions Gailhac de Béziersd’Hélène Magaret, un livre que j’appris à mieux connaître au noviciat lorsque nous répétions des scènes qui en étaient tirées pour des représentations improvisées, et ceci afin d’occuper notre “temps libre” le mercredi. Pourtant, je ne peux pas dire que vous ayez eu une quelconque influence sur ma décision d’entrer chez les Religieuses du Sacré-Cœur de Marie. Tous les jours, comme mes sœurs, je disais la prière pour votre béatification et pourtant, à dire vrai, vos lettres me laissaient indifférente.
Après le concile Vatican II, lorsque toutes les congrégations religieuses furent invitées à revenir à l’esprit de leurs fondateurs, j’ai commencé à prendre connaissance du travail d’une Commission internationale des Sources RSCM qui étudiait vos lettres. Les réflexions des membres de cette Commission ont été d’une valeur inestimable lorsque nous avons réécrit nos Constitutions, car “l’esprit de Gailhac”, VOTRE ESPRIT, est devenu la pierre de touche qui oriente notre compréhension de la mission et de la communauté.
En 1982, j’ai été moi-même invitée à collaborer avec d’autres personnes à la rédaction d’une histoirede l’Institut en quatre volumes. Je me souviens avoir été enthousiasmée par ce projet, d’autant que le cœur devait en être les trois premières supérieures générales – M. St Jean Cure Pellissier (1849-1869), M. Ste Croix Vidal (1869-1878), et M. St Félix Maymard (1878-1905). Bien sûr, vous seriez présent dans les textes en tant que fondateur de notre congrégation, mais cette histoire devait être écrite du point de vue des femmes qui avaient exercé la gouvernance pendant les 1ères décennies de sa fondation. Pendant les huit premières années du projet, mes yeux sont restés fixés sur M. Ste. Croix Vidal. Pour moi, elle était le personnage central du deuxième volume de notre histoire.
Tout a changé en 1990, l’année où l’Institut a commémoré le 100e anniversaire de votre mort ! Je me suis rendu compte, à cette époque, que je ne pouvais retracer ma propre famille que sur trois générations, jusqu’à mes arrière-grands-parents. Mais je ne connaissais que leurs noms, leurs villes natales et quelques anecdotes sur plusieurs d’entre eux. Avec vous, mon père, c’était très différent. Je connaissais tous les détails de votre vie : les moments de consolation et de désolation, vos joies et les incompréhensions rencontrées, le jour où vous êtes tombé à l’eau, votre zèle infatigable et votre affaiblissement en fin de vie. Puis, avec la soudaineté de la grâce et sans que je vous y invite consciemment, vous, mon Père, vous êtes entré dans ma vie !
Ce fut comme un miracle ! Vos lettres sont devenues des trésors pour moi et comme mon français est encore loin d’être parfait, je les ai lues avec le cœur plus qu’avec la tête. J’ai commencé à comprendre votre vision, née de toute une vie de réflexion sur les Écritures, en particulier Paul et Jean. Ce qui m’avait semblé autrefois répétitif, m’apparaissait maintenant comme un rappel clair et encourageant : je pouvais devenir la femme que j’étais appelée à être – une avec le Christ, tournée vers Dieu, poursuivant son œuvre rédemptrice dans le monde.
Je vous vois désormais tel que Gerard Manley Hopkins décrit sa conception du Paraclet : “Celui qui réconforte, qui encourage, qui persuade, qui exhorte, qui stimule, qui pousse en avant, qui appelle… qui m’appelle au bien”.
Vous êtes plus qu’une inspiration pour moi. Vivant en Dieu, vous êtes mon compagnon sur le chemin du devenir disciple. Comment puis-je vous remercier assez pour votre visite miraculeuse en 1990.
Votre fille aimante dans le Christ,
Kathleen Connell, RSCM